“Le bug Humain” de Sébastien Bohler
Résumé
Olivier Hoeffel
En une carte mentale (carte heuristique) 2
Deux parties du cerveau génèrent des comportements destructeurs de la biosphère :
le striatum, au centre du livre, est la partie la plus ancienne. Ce réseau neuronale délivre de la dopamine visant à la survie de l’espèce, à la reproduction et aux apprentissages
le cortex, plus récent dans l’évolution, est le siège de l’intelligence et de la conscience
L’effet particulièrement destructeur qui s’amplifie au fil de la croissance depuis l’ère industrielle est la conjugaison de trois phénomènes :
un striatum qui prend de plus en plus de pouvoir par rapport au cortex
l’intelligence de l’espèce humaine qui s’est développée au service des motivations primaires du striatum
une capacité à la conscience et à la patience qui s’émousse régulièrement, notamment du fait d’une mauvaise écologie de l’attention : bombardés d’informations et de sollicitation, nous ne prenons plus assez de distance par rapport aux événements
Le striatum a 5 motivations bien ancrées qui sont nécessaires à la survie (comme pour d’autres espèces) :
se nourrir
se reproduire
acquérir un statut social ; plus il est élevé, plus cela facilite la réalisation des deux premières motivations
acquérir des informations ; des informations visant à détecter des dangers ; et surtout des informations fournissant des opportunités pour la réalisation des trois premières motivations
réaliser les 4 motivations précédentes avec le moindre effort
Le striatum a des caractéristiques qui participent au côté destructeur :
il ne connaît et n’accepte aucune limite ou presque ; ex : manger jusqu’à plus faim, prélever du pétrole jusqu’à l’épuisement de la ressource
il ne connaît que le présent et ne veut pas considérer le futur. Quand il le fait, un biais de dévalorisation temporelle intervient ; ex1 : si on propose une personne 20 euros tout de suite ou 30 euros s’il accepte d’attendre deux semaines, il aura tendance à vouloir prendre les 20 euros tout de suite (par IRM, le choix d’attendre met en évidence une activité du cortex) ; ex2 : si on invite les humains à ne pas prendre l’avion pour réduire l’augmentation des températures en 2050, l’horizon est trop lointain et ils continuent à prendre l’avion
et en plus, il lui faut les choses tout de suite ; il est impatient et son niveau de patience décroît
le striatum se comporte de manière frénétique. Un désir réalisé appelle le suivant.
le striatum, c’est Monsieur Plus. Il se lasse vite et il lui faut toujours plus ou toujours mieux.
Dans une interview télévisée de l’émission C à vous sur France 5, Sébastien Bohler utilise une expression qui résume bien le côté particulièrement exigeant du striatum “Tout, tout cuit et tout de suite”.
Je résume pour ma part les 5 caractéristiques précédentes par la phrase “« Tout de suite, encore et encore plus, sans limite et après moi le déluge ! »
Dans la société actuelle, le cortex met l’intelligence au service du striatum par rapport à ses 5 motivations primaires :
autant (plus) de nourriture qu’il a besoin (sauf dans quelques zones du monde, mais statistiquement dans le monde, on meurt plus de la suralimentation que de la sous-alimentation).
du sexe à gogo avec l’accessibilité des vidéos pornographiques 24h/24h et l’invention de dispositifs de réalité virtuelle sexuelle
la possibilité d’acquérir un statut social sur les réseaux sociaux
des opportunités à profusion (notamment de consommation) délivrées par les innombrables formes de publicité qui nous interpellent que l’on soit assis devant un écran ou en mouvement avec des panneaux d’affichage
le tout dans son fauteuil en s’étant fait livré à domicile son repas
L’humanité va à sa perte entraînant le reste de la biosphère et l’auteur donne de nombreux exemples et de chiffres mettant en évidence des phénomènes dont certains sont insoupçonnables. Ce livre est informatif à deux niveaux : le fonctionnement du cerveau et l’éclairage de l’impact d’un certain nombre de comportements en matière d’empreinte écologique. Un exemple parmi d’autres : le poids écologique du visionnage des vidéos sur internet.
Peut-on reprendre la main sur ce côté destructeur ? Oui, mais c’est difficile vue l’emprise du striatum au niveau individuel et vu la société de consommation, initiée puis soutenue par le pouvoir politique, qui à la fois répond aux besoins du striatum et à la fois instrumentalise avec beaucoup de cynisme le striatum au bénéfice du capitalisme. Autre difficulté majeure : on nous a construit une vie facilitée pour tous les gestes du quotidien et il sera difficile de revenir sur des facilités acquises.
Ce sur quoi on peut s’appuyer : la neuroplasticité du cerveau. Au niveau biologique, il s’agit de renforcer la connexion neuronale entre le cortex et le striatum. C’est en quelque sorte la capacité de canalisation du striatum par le cortex.
Sébastien Bohler évoque deux grandes voies pour muscler nos capacités à des comportements plus équilibrés et plus responsables :
jouer avec les motivations du striatum, et en particulier celles liées au statut social : dans nos sociétés dites développées, le statut social s'acquiert par la compétition ; un changement de norme sociale au profit de l’altruisme et la coopération contentera aussi bien le striatum ; l’auteur évoque des études montrant que le striatum délivre aussi de la dopamine pour les comportements altruistes ; l’enjeu est d’inciter socialement à de tels comportements
développer nos capacités de conscience et de patience, notamment avec les technique de méditation en pleine conscience. Il s’agit de substituer le qualitatif au quantitatif, et aussi de remuscler nos capacités de discernement entre besoins vitaux et confort.
Quoi qu’il en soit, l’éducation et l’environnement socioculturel sont les enjeux majeurs pour changer la donne. Il s’agit d’amener le niveau de conscience à la hauteur de notre niveau d’intelligence, individuellement et collectivement, pour que les prises de décisions et les comportements associés intègrent les enjeux moyen et long terme.
Un livre à mettre dans toutes les mains et qui mériterait d’être exploité par l’éducation nationale.
L’enjeu de ce livre est le même que pour la situation actuelle où l’emballement climatique fait l’actualité des médias : une fois qu’on est informé, va-t-on vraiment en faire quelque chose ou alors en reconnaître l’intérêt certain et … néanmoins continuer nos vies avec les mêmes comportements ? Paradoxe qui est au centre du propos de ce livre.
Mon article “L'insoupçonnable et l'insoutenable” sur lesverbesdubonheur.fr
Sébastien Bohler : « Le cerveau n'est pas écolo, mais on peut l'éduquer »
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